
En négociant un financement massif directement avec les États-Unis, le gouvernement gabonais ne se contente pas de chercher des fonds pour son industrialisation. Il opère un spectaculaire pivot géopolitique. Une volonté d’autonomie face à ses partenaires historiques qui s’insére dans la grande rivalité des puissances en Afrique.
C’est un dîner de travail à la Maison-Blanche qui pourrait bien redessiner la carte des alliances en Afrique centrale. Selon nos informations, le président Brice Clotaire Oligui Nguema, a engagé des discussions directes avec Washington pour un prêt colossal de 2 à 3 milliards de dollars.
Au-delà des chiffres, c’est le choix des interlocuteurs – la US-DFC et l’Eximbank américaines – qui constitue un acte diplomatique majeur. Un véritable tournant pour un pays longtemps ancré dans les circuits francophones.
Un partenariat économique aux allures de révolution géopolitique
Officiellement, l’objectif est de financer un ambitieux plan de diversification économique pour sortir de la dépendance au pétrole. Projets miniers (potasse, fer), port en eau profonde à Mayumba, chemin de fer…
Mais en choisissant de s’adresser directement à la plus haute sphère américaine, Libreville envoie un message sans équivoque, l’ère de l’exclusivité est terminée.Cette démarche, décrite comme une recherche de « partenaires stratégiques hors des circuits traditionnels », est une rupture délibérée.
Elle vise à contourner les mécanismes de financement classiques, souvent perçus comme lents, conditionnés et marqués par un héritage post-colonial. Le Gabon cherche des partenaires, pas des tuteurs.

La fin d’une ère ? Paris et le « pré carré » africain en question
Ce pivot américain se lit inévitablement en creux comme une prise de distance avec la France, partenaire historique et ancienne puissance coloniale.
Traiter d’égal à égal avec les États-Unis sur des projets d’une telle envergure, c’est affirmer sa souveraineté et s’inscrire dans un mouvement plus large de redéfinition des relations Afrique-Europe.
« Si vous avez suivez les récentes activités de notre gouvernement, vous verrez qu’on mit fin à l’accord de pêche avec l’Union européenne » a dit Olingui Nguema à son homologue Donald Trump.
Pour le général, dont le pouvoir est issu d’un coup d’État, ce rapprochement est aussi un coup de maître politique.
Il lui offre une légitimité sur la scène internationale, court-circuitant les critiques sur la nature de son régime et montrant qu’il peut attirer des investissements de premier plan.

Pragmatisme américain : ressources stratégiques et contre-influence
Dans ce partenariat, l’intérêt pour Whashington est double.
D’une part, l’accès à des ressources minières jugées stratégiques (potasse, fer) dans un contexte de tensions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le partenariat avec des entreprises comme ExxonMobil, Boeing ou Rapiscan ancre solidement les intérêts économiques américains dans le pays.
D’autre part, et c’est peut-être le plus crucial, il s’agit d’une manœuvre géopolitique. À l’heure où la Chine étend son influence via les « Nouvelles Routes de la Soie » ou l’éventuel construction d’une base navale sur nos côtes et où la Russie gagne du terrain sur le plan sécuritaire, les États-Unis ne peuvent plus se permettre d’être absents en Afrique centrale surtout après s’être fait « viré du Tchad » .
Soutenir le Gabon, c’est y planter le drapeau américain et contrer l’avancée de ses rivaux. Les principes démocratiques sont mis en balance avec les impératifs stratégiques.